Le phénomène Indochine ne reçut véritablement qu'un seul satisfecit des médias, celui de la longévité. Il est vrai que les artistes qui résistent au temps, sont toujours sujet à étonnement plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'un groupe. Mais souligner la durée sans louer la raison, c'est fermer une porte qui n'a pas été ouverte. Si les formations issues des années 70, Starshooter, Trust, Téléphone et le bijou de Jean William Thoury se retrouvèrent rapidement devant un précipice où il faut se dissoudre ou sauter, sans doute est-ce parce que ses chefs de file étaient plus en accord avec leur propre histoire qu'avec celle des autres. Les Kent, les Bernie, les Bertignac et les Aubert n'avaient profondément envie, ni d'entraîner une équipe ni ne supportaient d'être entraîné par elle. Nicola est autre parce qu'il est à la fois le loup, et la meute et le chef de clan. C'est un despote qui avait un frère avec lequel il partageait tout, parce que sa propre image se reflétait en lui. Les autres passèrent dans le groupe comme des disciples, parfois des apôtres. Certains devinrent des saints, d'autres des Judas. Nicola n'a jamais choisi d'être le seul de l'autoroute. Il le devint par la force des choses, non par manque de charisme, mais parce qu'il a toujours été un solitaire qui s'exprimait à plusieurs. Son public a longtemps échappé à la compréhension des adultes et surtout des parents. L'originalité de Nicola et d'Indochine est d'avoir saisi le désarroi de l'adolescence. Une aventure que les anglo-saxons, pionniers du rock connaissaient déjà. Sa force est d'avoir résisté aux événements sans toutefois toujours réussir à les maîtriser. A travers une écriture souvent contestée, il est un chroniqueur lucide de près de 3 décennies. A mots couverts d'une crudité choquante, il se sera fait l'écho des doutes, des peurs et des questions des générations successives de découvreurs du monde qui avaient 15 ans en 1980, mais aussi 15 en 1990 et 15 aujourd'hui. On doit être étourdi par cette saga de plus de 25 ans qui raconte les exploits d'un groupe unique et multiple. Des milliers de concerts, tant en France qu'à travers le monde, des millions de disques vendus qui racontent la confusion des époques, bon nombre de distinctions, du Bus d'Acier de 1983 aux doubles et triples albums de platine du 21ème siècle. Alors, durabilité certes, qui à l'instar des Rolling Stones, capitalise son passé pour créer l'instant présent, mais également facettes du Phénix qui renaît de ses cendres à chaque fois qu'il n'est plus attendu.